



Dans une chambre, éclairée par quelques bougies disséminées un peu partout dans la pièce. Une femme sans âge, aux longs cheveux blancs, installée devant une coiffeuse en argent, jeta avec rage une pince à cheveux sur l’image que lui renvoyait le miroir.
Décidément elle n’arrivait pas à se coiffer.
Elle fusilla du regard le morceau de métal doré plié qui lui avait meurtri le cuir chevelu, comme si il était à l’origine de toutes ses misères.
La femme ferma les yeux, respira calmement puis les rouvris.
La première chose qu’elle vit fut une paire d’yeux de la couleur des mousses qui recouvrent les arbres après le passage de la pluie, qui la fixait avec dédain. Elle remarqua ensuite les longs cils noirs qui les auréolaient telles des couronnes. Des sourcils sombres, légèrement froncés, qui donnent au regard un air sévère. Un front lisse, qui semble poli par les siècles. Les mèches de cheveux blancs qui encadrent le visage rond de la femme. Elle détourna son regard de la chevelure immaculée qu’elle avait acquise au prix d’un énorme sacrifice doublé d’une trahison.
Pour chasser ses souvenirs sombres,
La femme ferma les yeux à nouveau brièvement.
Elle entendit des bruits de pas et des gloussements féminins provenant du couloir :
« Mais siiii !!! Je te dis que je l’ai vue, viiieeennnns !!!! dit une première voix avant de rire.
- Tu es bien sûre que c’était lui ?? demanda une deuxième voix d’une manière enjoué.
- Il est si beaaauuuu !!! Je le reconnaîtrais entre mille, répondit la première. »
Leurs bruits de pas précipités s’évanouirent au fur et à mesure que les deux servantes parcouraient le couloir.
« Ces filles ne peuvent donc t’elles pas montrer un peu de tenue !?! » pensa
Après tout, le retour de son … n’était pas … Peu importe.
Roona fronça les sourcils. Attrapa une brosse et commença à démêler nerveusement ses longs cheveux. A bout de nerfs, elle reposa l’objet brusquement sur la coiffeuse et claqua des doigts. Ses cheveux de neige s’animèrent pour former un chignon d'où s’échappaient quelques mèches. Elle se leva, s’habilla d’une robe jaune pâle de style empire, passa quelques bracelets d’or à ses poignets et sortit de ses appartements.
Il y avait foule, aujourd’hui, dans
Il souriait à qui lui adressait un sourire ou une parole agréable. Ses yeux bleus envoûtant, faisaient tourner la tête à toute des femmes. Leurs maris, ou soupirants, n’en étaient point jaloux. Au contraire. Plus leurs bien aimées et épouses arrivaient à s’approcher de lui, lui parler, … plus ils se sentaient honorés. Ils se vantaient, entre eux, des honneurs que cet homme pouvait accorder à leur dame, quel qu’il soit.
Pourtant ce jour-là, Zolzite ne pensait pas au bien qu’il pourrait accorder à une quelconque dame. Mais plutôt au bénéfice que lui accordait le fait de sortir, à la vue de tous, des appartements privé de
Mais cette joie ne fut que passagère car les personnes se trouvant autour de lui détournèrent, comme un seul homme, leurs regards pour regarder de l’autre côté de la pièce.
Là, dans l’encadrement de la double porte d’entrée de
Sa mère.
Éblouissante, comme toujours, elle s’avança vers lui, impassible. Elle ne le regardait pas. Tout le monde s’inclinait et reculait sur son passage, pour lui faire une haie d’honneur.
Zolzite ne s’inclina pas. Ne recula pas. Roona, quand à elle, passa à côté de lui comme si il n’existait pas. Elle continua son chemin, traversant la salle d’un bout à l’autre, sans s’arrêter sur rien ni personne. Elle disparut bientôt à la vue de tous.
Là, les personnes venues quelques minutes plus tôt, pour apercevoir, parler au frère de
Zolzite se retrouva soudainement seul au milieu de
Il pivota pour se retrouver en face du Trône qu’occupe sa sœur quand il y a audience officielle ou conseil ou encore jugement ou festivité.
Il était vide.
Il était austère.
Zolzite venait de se faire humilier.
Par sa propre mère.
Un bruit de pas raisonna à l’entrée de
« Je n’ai pas besoin de ta pitié !!! Va t’en la rejoindre, sinon maman va se demander où a bien pu passer son petit toutou, cria Zolzite. »
Zéline baissa la tête et alla rejoindre sa mère.
Il n’avait pas besoin que cette petite cruche vienne en rajouter.
Il regarda le soleil par l’une des hautes fenêtres de la salle du Trône. Il devait rentrer chez lui.
Attablée à une des extrémités de la longue table de la cuisine, une petite fille faisait tourner, au bout d’une fourchette à dessert, un chamalow dans sa tasse de chocolat chaud. Une fois qu’il eut assez tourné elle le mit dans sa bouche. Elle ferma les yeux et sourit de contentement en sentant fondre la guimauve dans sa bouche. Elle se mit à balancer ses pieds, étant trop petite pour toucher le sol.
Un bruit de porte mal graissée, que l’on ouvre et que l’on referme se fit entendre.
La petite fille ouvrit les yeux. Et à la vue de la personne qui venait d’entrer dans la pièce, elle bondit de la chaise où elle était assise et se jeta dans les bras du nouveau venu.
« Papaaaaaaaaa !!! ‘u es rentré !!! hihiiii !!! s’écria de joie la petite fille.
Zolzite déposa un baiser sur le front de sa fille.
- Oui Lulla, et devine quoi ? J’ai quelque chose pour toi.
- Ooooohhhh !!! ‘ontre moi ! ‘iiiiiittteee !!! dit Lulla avec impatience.
Zolzite posa sa fille par terre et déposa sur la table une boîte en fin carton blanc entouré d’un ruban dorée.
- Devine de qui ça vient ?? demanda Zolzite.
- Mmmmmmhhh …, commença Lulla, de ‘atie Zouzouuuuuuuu ???
- Je crois qu’elle était facile celle-là, soupira avec amusement Zolzite.
- Oééééééééééé !!! ‘e peux l’ouvrir Papaaa ???
Zolzite sourit. Il dénoua le ruban et ouvrit la boîte. Il y avait un assortiment des pâtisseries les plus appétissantes et les plus rares que l’on pouvait trouver dans l’Autre Monde. Les yeux de Lulla se mirent à pétiller. Elle se rassit à table avec impatience pendant que son père en disposait une, sur une assiette de porcelaine.
Zolzite s’assit à côté de sa fille et la regarda manger avec gourmandise ce qu’il lui avait ramené de son entrevue avec
Zolzite tournait en rond tel un lion en cage, dans l’antichambre donnant sur le bureau de la Grande Sénéchale.Il en avait assez d’attendre. Cela faisait deux heures qu’il était là. Ayant toujours mal à son gros orteil après avoir donnait un coup de pied dans une statue représentant la maîtresse des lieux, il s’assit sur le fauteuil recouvert de velours pourpre et posa son pied meurtri sur la table basse en bois précieux située non loin. Il soupira d’exaspération. Il en avait vraiment marre. On ne lui avait même pas apporté de quoi se sustenter. Il y avait peut être une sonnette caché derrière une tenture ou un rideau. Mais il n’avait pas envi de se lever. Ce fauteuil était confortable après tout. Ou alors il pourrait appeler un garde … ou … Il pouvait toujours tenter le coup. Il claqua donc des doigts. Cela marchait dans le temps. Mais rien ne se passa.
Après avoir poussé un juron, il se redressa sur son siège. Bon alors, comment faire ? Il se décida finalement à se lever. Il se dirigea vers la porte par laquelle il était entré, l’ouvrit doucement, voulu sortir mais une lance lui barra la route. Le gardien en livret pourpre qui la tenait, le regardait qu’un air impassible. Ses lèvres semblaient ne pas avoir bougées quand il dit :
« Vous ne pouvez pas sortir Monsieur »
Zolzite le regarda perplexe. Alors comme ça il était retenu prisonnier !? La belle affaire. Il se décida donc à jouer franc jeux.
« Je voulais juste savoir si il était possible d’avoir une tasse de thé et quelques douceur pour rendre l’attente plus … agréable ? demanda t-il.
- Ceci n’est pas dans mes cordes Monsieur, je ne peux pas quitter mon poste, répondit le garde sans laisser transparaître la moindre émotion.
- Bon, eh bien … peut être pouvez vous appeler quelqu’un alors ? Tenta Zolzite.
- Monsieur, ceci n’est pas dans mes attributions.
- Dans ce cas je vais rester là et attendre qu’un serviteur passe.
- Monsieur doit rester dans l’antichambre.
- Oui mais j’ai faim.
- Monsieur doit patienter, vous serez reçue par Madame dans peu de temps.
- Mais enfin, vous m’avez dit la même chose il y a deux heures !!!
- Monsieur patienter vous se …
- Oui-oui ça va j’ai compris !!
Zolzite claqua la porte au nez et à la barbe du garde. C’était énervent de se faire balloter ainsi. On se moquait ouvertement de lui. Il avait entendu les rires sur son passage, les moqueries, les phrases assassines.
Toujours la main sur la poigné, il se tourna vers la fenêtre se trouvant en face de la porte. Et c’est là qu’il La vit.
Elle était de profil, ses longs cheveux dont la couleur oscillé entre le brun et le violet noué en une coiffure sophistiquée, son nez fin et long, ses lèvres pleines et rose, ses longues oreilles, ses grands yeux à la couleur indescriptible, ses longs cils, son visage fin. Elle était magnifique dans cette robe antique couleur lilas. Zolzite se sentais un peu minable à côté d’elle.
« Je vois que tu es toujours aussi inaccessible, commença Zolzite en plaisantant.
Son visage ne se dérida pas pour autant.
- Il le faut bien, si je ne veux pas être dérangé sans arrêt par des personnes inopportunes.
Zolzite tiqua.
- Dois-je comprendre que ma visite ne te plaît pas ?
- J’ai beaucoup de travail.
Le démon fronça brièvement les sourcils. Il s’empara de la théière et versa le thé dans les tasses.
- Mais tu as bien le temps de prendre une tasse de thé non ?
- Bien sûr.
Zolzite lui tendit une tasse placée sur une soucoupe rempli du liquide fumant. Elle s’en saisit et attendit qu’il ait la sienne dans ses mains, pour porter la tasse à ses lèvres et boire une gorgée de thé. Elle reposa la tasse sur sa soucoupe et regarda son interlocuteur dans les yeux.
- Alors, que me vaut cette audience ? demanda la jeune femme.
Zolzite posa sa tasse sur la table et pris un macaron à la mangue, qu’il examina avant de le manger.
- Eh bien vois-tu, je viens de revenir dans l’Autre Monde. L’éducation de William étant « terminée » vu qu’il est majeur, commença le démon d’un ton désinvolte.
- Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre.
- Je suis donc rentrer chez moi et je suis allé au Bureau pour reprendre mon activité. Mais voilà, l’accueil n’a pas était très … agréable là bas, continua Zolzite.
- Ils ne sont jamais très aimable non plus là bas en général, dit la jeune femme avec un petit sourire.
- Oui-oui bon … et j’ai entendu des bruits de couloirs, rumeurs, ragots, ce que tu veux … et certains de ses « on dit » m’ont fait penser à quelqu’un en particulier. En disant ces mots Zolzite s’était penché vers son interlocutrice par-dessus la table.
- Enfin Zolzite, où vas-tu chercher des histoires pareilles ?
- Ne fais pas l’innocente !!, déclara le jeune homme sur un ton menaçant, tu sais très bien de qui je veux parler !! Et depuis que je suis là, Elle me met des bâtons dans les roues. Je n’ai pas de travail, je suis au chômage. Que veut-Elle ?? Que je retourne chez les Humains ? Ils sont notre gagne pain mais de là à retourner là bas …
Zolzite était en colère. Comment sa propre mère pouvait-elle le rejeter ainsi ? D’accord il n’était pas de ses deux enfants, celui qui avait le mieux réussit. Mais il était son fils. Ils ne s’aimaient pas. Mais il n’avait rien fait pour lui nuire, en tout cas pas directement.
Le démon se leva et commença à faire les cents pas.
- Qu’attends-tu de moi ? demanda
- De l’aide, du soutien, un travail, … ma sœur !!!
A ces mots, la jeune femme leva les yeux vers son interlocuteur. Elle semblait choquée par ces paroles. Pourtant, elle aussi avait souffert de l’absence de Zolzite. Elle était devenue plus froide, travailler plus, plus intransigeante, plus cruelle aussi peut être.
- E … Ecoute Zolzite, je sais que nous sommes frère et sœur mais…
- Mais quoi ??? Nous ne sommes pas que frère et sœur, nous sommes jumeaux !!!
A ces mots,
- J’irais Lui parler. Elle ne te gênera plus. Ou moins. Tu sais comment Elle est.
- Merci. Bon je vais y aller. Ma fille a eu son premier jour à l’EDEM aujourd’hui.
- J’espère que ça c’est bien passé, dit la jeune femme avec un sourire.
- Avec une tante comme toi, je crois que ça ira.
Les jumeaux se regardèrent avec des yeux tendres. Leurs complicité leur manquée. Ils avaient hâte de la retrouver.
- Viens avec elle la prochaine fois, nous irons nous promener dans le parc.
Zolzite pris la main de sa sœur dans la sienne et la porta à ses lèvres.
- D’accord. Elle sera contente de te voir. Elle te réclame depuis que nous sommes rentrés.
L’horloge sonna dans un coin du bureau.
- Je dois y aller. Elle m’attend.
- Bien, alors je ne te retiens pas. Et je passerais un mot au Bureau pour qu’il te donne un bon travail.
Zolzite se pencha vers sa sœur, et déposa un baisé sur son front ;
- Merci Zouzou.
Zolzite quitta la pièce non sans jeter un dernier regard à sa jumelle.